lundi 29 novembre 2010

Je crise, tu crises, il crise

Peut-être me répète-je. Sans doute même. C'est que les politiques - ou leur absence - se répètent, elles. Et leurs conséquences augmentent. A l'heure où s'ouvre à Cancun la 16e Conférence des Nations Unies sur le climat, l'Organisation météorologique mondiale annonce que nous n'avons jamais produit autant de gaz à effet de serre qu'en 2009. Leurs rejets dans l'atmosphère ont atteint les plus hauts niveaux jamais observés depuis l'époque pré-industrielle. Les responsables politiques, dans nos pays en tout cas, se disent tous convaincus de la nécessité de changer nos modes de vie et de lutter radicalement contre le réchauffement climatique. Ils le disent autant qu'ils se réjouissent des festivités de fin d'année qui s'annoncent avec leurs illuminations débordantes, leurs patinoires parfois dégoutantes (au sens premier), leur neige artificielle. Bref, leurs allègres gaspillages d'énergie. Les J.T. ne savent plus où donner de la caméra, tant est merveilleuse la féérie de Noël. C'est sûr, le changement de mode de vie, on le sent venir! Combien d'appareils électriques ou électroniques, rarement indispensables, parfois totalement inutiles, jamais biodégradables, vont encore se vendre pendant les fêtes? Quels sont les journaux, écrits, radio, télévisés, qui prendront du recul par rapport à la grande course à la consommation qu'est la fin de l'année?
"Le probable est catastrophique, dit Edgar Morin. Mais le futur n'est jamais joué". C'est Télérama (1) qui le cite, parlant de l'ouvrage qu'il vient de publier avec Patrick Viveret: "Comment vivre en temps de crise?" (2) Les deux auteurs pensent qu'il est possible de positiver la crise, économico-financière, écologique et démocratique, que nous traversons: en faire "un rendez-vous critique de l'humanité avec elle-même, lui permettant de travailler sur l'essentiel". Ils nous invitent à nous "déployer du côté de l'essentiel, c'est-à-dire du côté d'un développement dans l'ordre de l'être plutôt que d'une croissance dans l'ordre de l'avoir. Cette distinction essentielle, traditionnellement considérée comme une question philosophique réservée à une petite minorité, devient une question politique massive."
"Il s'agit, vraiment, aujourd'hui, d'une crise, disait en (pré-)écho Michel Serres (3). Il faut donc inventer du nouveau. Saurai-je le faire? Rien de moins sûr. Saurons-nous tracer d'autres voies? Je l'espère. Lesquelles? Nul ne le sait encore. En tout cas, rien de plus passionnant à chercher."
Oui, il est possible de positiver la crise, de tracer d'autres voies, d'inventer du nouveau. En théorie. En mots. Mais quel politique osera affronter le Père Noël?

(1) 17.11.2010
(2) éd. Bayard
(3) "Temps de crise", Editions Le Pommier, 2009

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